Au-delà des lettres de colères… par Marina Blanchart

Que sont les lettres de colère ? 

Ce sont des lettres adressées à quelqu’un (voilà pourquoi on parle de lettres ;-) et dans lesquelles on va écrire sans aucune censure ce qu’on a comme reproche, ce qui nous pèse, ce que l’on rumine à son propos afin de vider ce trop-plein d’émotion, afin de digérer toute cette colère qui nous reste en travers de la gorge et nous empêche de vivre sereinement. Je compare souvent cette surcharge indigeste à un repas trop gras qui reste dans l’estomac et qui nous fait nous sentir mal. Le meilleur moyen d’être rapidement soulagé est de le vomir… c’est moche, mais c’est vrai ! C’est désagréable, mais qu’est-ce qu’on se sent mieux après ! 

La colère non digérée est exactement pareille et l’écrire, la vider sur une feuille de papier avec un crayon ou un stylo et pas sur l’ordinateur (il a été prouvé que cela faisait une différence !) permet de se sentir allégé ensuite et de repartir vers d’autres belles aventures ! C’est ainsi que je l’explique aux patients. Je leur demande aussi de ne pas les relire, car on ne remange pas son… ils ont vite compris ! Je leur demande donc de les détruire, les brûler ou les déchiqueter afin d’être certain que personne ne tombe dessus. Ce qui est d’ailleurs la garantie d’écrire sans censure ! 

Mais ces lettres de colère que l’on donne tellement souvent sont-elles la solution à toute émotion de colère ? 

La réponse est clairement non ! 

D’abord, la colère est utile… Oui, nous l’apprenons dans nos formations, oui, nous le savons par un article ou l’autre ou plus simplement, nous avons regardé le dessin animé Vice-Versa de Disney qui illustre si bien les fonctions des émotions et pourtant trop souvent, j’entends encore que l’on a donné une lettre de colère à un patient pour qui ce n’est pas adapté. 

Pourquoi donc ? Et bien parce que justement, si elle est utile, il faut en faire quelque chose ! 

Elle nous envoie ce message : « ce n’est pas ok pour moi ! » ou « je ne me sens pas respecté » ou « c’est injuste ! », mais dans tous les cas, il se passe quelque chose de non acceptable pour moi si je la ressens. 

Sophie est en colère car son charmant compagnon, Yves, ne fait aucune tâche ménagère à la maison ! Elle veut éviter le conflit et lui a déjà dit gentiment, mais en général garde sa colère et la rumine. 

Il n’est pas question ici de lui demander d’écrire des lettres de colères et de juste vider sa colère, nous devons l’accompagner pour qu’elle puisse écouter et entendre sa colère afin de comprendre ce qu’elle lui dit. Si elle lui dit que ce n’est pas juste, il y a quelque chose à réguler dans sa relation actuelle avec Yves. En lui faisant écrire des lettres de colère, on l’aiderait sans doute à moins ruminer, mais la situation se poursuivrait, car elle digèrerait une colère qui reviendrait aussitôt qu’elle verrait Yves une fois de plus s’assoir à table en attendant le service (oui, ça existe encore !).

Nous allons donc utiliser la colère comme un levier pour voir avec elle comment les choses pourraient évoluer. Une question capitale à ce moment-là est celle de l’intérêt d’Yves à changer de fonctionnement. J’y reviendrai dans un prochain article car c’est une question qui est au cœur de nos interventions. 

Pour notre Sophie, il va donc falloir travailler sur les tentatives de régulation externes plutôt que sur cette juste colère qui est un signal et une information de premier choix !

Il est donc capital avant de prescrire ces fameuses lettres de vérifier si la colère ne peut pas être utilisée, ce qui est souvent le cas dans les relations qui durent encore aujourd’hui, quand la colère est nourrie par des faits actuels… comme dans les situations de harcèlement ou de relations trop complémentaires ou parfois, il faut au contraire la vider, réanimer la colère pour s’en servir à bon escient pour réguler la relation qui crée la souffrance.

Alors quand prescrire les lettres de colère ?

Nous avons deux cas de figure où cela est particulièrement adapté. Tout d’abord, les colères du passé : celles que nous ruminons, qui nous pourrissent un peu la vie, celle pour l’oncle qui a abusé, celle pour la mère qui était violente, celle pour l’ex qui m’a tout pris, celle pour l’ancien patron qui m’a démoli… toutes celles-là valent bien le temps d’une ou de plusieurs lettres où l’on vide sa rage, ses rancœurs et toutes les vengeances que l’on voudrait leur faire subir. Dans la lettre, il n’y a pas juste ce que je ressens ! Je commence avec mon ressenti et je poursuis avec ma vengeance et comment j’aimerais lui crever les yeux, lui arracher les …, je le traite de tous les mots qui me semblent adaptés et enfin je termine quand je ne sens vraiment plus rien à ajouter et qu’à l’intérieur, c’est plus serein. Je signe, je plie la feuille ou non et je la détruis ou je la mets dans un stock qui sera détruit lors d’un joli feu de joie ! 

Une autre situation où les lettres de colère sont utiles, c’est celle d’une colère actuelle disproportionnée. Elle peut l’être car j’ai trop avalé d’injustices, d’attitudes non-respectueuses et je n’ai rien dit par peur de la réaction de l’autre ou par volonté de préserver une bonne relation. Malheureusement, la relation se dégrade : l’autre continue de ne pas me respecter, je deviens irritable ou j’explose car trop, c’est trop !

Dans ce cas-là, il peut être adapté tout en travaillant sur les tentatives de régulation externes de vider le trop-plein de colère emmagasinée dans des lettres pour être capable de réagir d’une manière plus stratégique dans la relation. Annick a eu besoin d’en écrire quelques-unes pour prendre une position basse stratégique avec son chef qui ne la respecte pas. Elle a pu lui dire : « je suis désolée, car j’ai l’impression que pour la gestion de ce dossier, je fais chaque fois exactement le contraire de ce que vous souhaitez et je vais donc vous demander de m’écrire exactement ce que vous voulez que j’écrive dans le rapport… », « je comprends que vous ne vouliez pas faire le travail à ma place, mais ce serait un gain de temps pour vous, car vous ferez tellement plus vite et mieux que moi… vous trouvez toujours si bien les mots… » 

Que faire avec ceux qui n’aiment ou ne peuvent pas écrire ? 

C’est une question qui revient souvent et à juste titre. Prendre un stylo et écrire n’est plus donné à tout le monde… Il y a le dessin, le fait de crier dans sa voiture ou au fond des bois, s’acheter un punching-ball ou prendre simplement un coussin et dessiner le visage de l’objet de notre colère et frapper dessus jusqu’à ce qu’il soit en pièce, déchiqueter ! Je pense souvent à mon fils, qui à 5 ans, détestait une de ses institutrices et qui la dessinait sur un papier, bien moche d’ailleurs et puis il l’attachait à son lustre et, avec son arc à fléchettes en caoutchouc, tirait dessus jusqu’à ce qu’il n’en reste rien ! Il était ensuite très soulagé !

Et en séance, on peut vider la colère ?

Effectivement, c’est d’ailleurs une occasion que j’utilise souvent. Pendant la séance, quand la personne parle de cette vieille rancœur ou de cette colère qu’elle rumine pour des faits du passé qui ne peuvent être changés. Je lui demande de fermer les yeux et de s’installer dans un endroit calme et qui lui plaît, un parc, un jardin, la forêt et je lui propose de faire venir la personne qui mérite sa colère et de lui déverser tout ce qui n’a pas été respectueux, tous ce qu’elle n’a pas digéré… 
Si la personne peut représenter un danger, je peux lui dire qu’elle est attachée ou que sa bouche est couverte d’un gros collant qui l’empêche de répondre… Je mettrai ce qu’il faudra ou elle le fera elle-même avec ou sans mes propositions pour pouvoir vider cette colère en toute sécurité. Nous pouvons même aller plus loin en hypnose et jeter des sorts à cette personne, la transformer, comme Jules qui a fait de son ancien patron un petit pois qu’il a écrasé ensuite sous son pied en souriant…

Notre approche à 180° de ruminer la colère et la laisser nous miner de l’intérieur permet ainsi quelques jolis nettoyages et un apaisement en profondeur pour les colères du passé sur des faits qui ne peuvent être changés. Il faut souligner que faire parler le patient de ces faits et les lui faire détailler est sans intérêt et risque seulement d’ajouter quelques couches. Il est donc intéressant aussi de le freiner dans le partage social de cette colère, car l’entourage même bienveillant risque souvent d’essayer de le calmer ce qui malheureusement échoue le plus souvent…

Et vous, comment faites-vous sortir la colère ?

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