Burnout… ou attentes illusoires ? par Marina Blanchart

Dans nos consultations, nous avons de plus en plus de parents, papa ou maman, « au bout de leur vie ». Ils ont entre 30 et 45 ans et sont exténués. Ils sont à la recherche d’un équilibre familial et professionnel, sans oublier l’entourage social !

Ils veulent performer partout ! Quoi de plus normal que de vouloir être les meilleurs parents du monde, quoi de plus légitime que de souhaiter être reconnu au travers de sa profession et bien évidemment, il est logique de souhaiter se détendre, faire du sport et voir les amis dans les heures perdues…

Des heures perdues justement, il n’y en a plus et l’irritation, la fatigue viennent gâcher tous ces moments qui devraient n’être qu’épanouissement d’après eux !

Je suis étonnée des demandes que l’on rencontre en thérapie aujourd’hui. Sans doute, je vieillis, mais je me trouve confrontée à une vraie question de normativité.

Quand une jeune maman de 38 ans me demande de pouvoir trouver du temps pour elle entre son temps plein, ses enfants et ses 4 heures de sport par semaine (qui ne sont pas du temps pour elle, car c’est pour rester en forme), je ne sais pas si c’est moi qui, limitée par ma vision du monde, ne voit pas vraiment d’issue ou si la réalité est qu’elle en demande trop !

Nous nous trouvons confronté à des patients qui veulent éduquer des enfants sans les frustrer, rester zen en toute circonstance et profiter de chaque moment de la vie…

Ils sont de plus ultra sollicités par les multiples moyens de communication. Tout le monde garde contact avec tout le monde… avant, on perdait certaines personnes de vue, la vie triait naturellement les relations sociales, aujourd’hui, elles sont toutes entretenues.

L’idéal est sympa, mais est-il utopique ou devons-nous prendre ce type de demande et entrer dans le but conscient de la perfection en tout.

Je pense qu’il faut pouvoir leur poser cette question : et s’il était impossible d’atteindre cet objectif, et si quoi que vous fassiez, vous savez que vous n’y arriverez pas. Vous feriez quoi maintenant ? Quelle serait vos priorités ? Quel seraient vos pétages de plomb ?

L’idée étant de travailler avec ces patients exigeants pour eux-mêmes un lâcher-prise sur ces attentes utopiques en les accompagnant vers des renoncements, des deuils de pouvoir être partout et au top !

Le travail sur les attentes est parfois complexe, il s’agit de permettre à nos patients, clients, coachés de repérer quand ils en ont, quand elles les prennent ou les surprennent et d’anticiper la déception.

Julie me disait chaque fin de journée se réjouir de retrouver ses enfants, de se dire combien la soirée allait être sympa : préparation d’un bon petit diner, retrouvailles familiales autour de la table, échanges sur la journée et hop les enfants, au lit et moment cocoon avec son homme. Et malheureusement pour elle, chaque soir devient une déception : les disputes entre enfants, la corvée des devoirs, l’épuisement qui la rendent irritable, la scène pour faire avaler des légumes au plus jeune, la bagarre avec l’ainé autour des écrans et puis la déception de ne plus être capable de rien quand enfin, les enfants sont au lit !

Avec Julie, j’ai recadré cette illusion de croire en des attentes qui se réalisent… On ne peut s’empêcher d’avoir des attentes, des rêves qui nous viennent et s’ils se réalisent, c’est fantastique, mais si un patient consulte car les déceptions dans sa vie se succèdent, il va falloir utiliser notre fameux virage à 180° pour gérer autrement ces attentes devenues utopies. 

A chaque attente repérée, un moment de désamorçage sera consacré : comment cette attente ne se réalisera pas, quel scénario noir va se mettre en place et m’envoyer l’attente valser dans mon stock d’utopie. En reprenant le lead sur ces pensées, en les désagrégeant avant qu’elles ne se développent et ne me désagrègent, je peux diminuer l’amertume, la frustration et surtout les déceptions successives.

Non, la vie n’est pas parfaite et même si l’optimisme est une vertu, il est important de repérer quand il commence à me nuire à force de me décevoir.