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Qu’est-ce qu’une phobie ?
Les phobies, ces peurs irrationnelles et démesurées, sont fréquentes dans la population et peuvent faire vivre un véritable calvaire à nos patients. Il s’agit d’une peur anormale, excessive et injustifiée d’un objet ou d’une situation (animaux, vide, avion, aiguilles, sang, etc…). Cette peur peut se déclencher sans même que l’objet ne soit présent ou que la situation n’ait lieu, par anticipation.
A la base, la peur est une émotion naturelle et utile, une émotion « normale ». Elle nous protège car elle nous pousse à agir en cas de danger, notamment en nous incitant à fuir. Mais lorsque la peur se dérègle, elle peut devenir trop intense, non adaptée, disproportionnée par rapport au danger réel, et de moins en moins contrôlable.
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Comment nait une phobie ?
Traumatisme et mécanisme d'évitement sont les ingrédients principaux de ce dérèglement qui transforme la peur en phobie. Les phobies simples sont souvent liées à des événements traumatisants dans l’enfance, qu’ils soient réels ou fantasmés. Par exemple, une phobie des chiens peut s’installer chez un enfant qui a vraiment été mordu, mais aussi chez un enfant qui a imaginé être attaqué par un chien. Il y aurait trois profils parmi les phobiques. Un tiers des phobiques ont vécu un événement qui les a marqués, "comme une morsure par un chien, par exemple". Un tiers ont été témoins de cet événement, "par exemple leur mère avait peur des chats, ou ils ont vu un crash d'avion à la télévision". Enfin, un tiers des phobiques n'ont aucune idée de l'origine de leur trouble.
Par ailleurs, une peur devient phobie parce qu’elle n’est pas affrontée, le patient va avoir tendance à fuir sa peur, à l’éviter ou à se tétaniser. C’est ce mécanisme de fuite et d’évitement, a priori tout à fait adapté et naturel face à un danger, qui provoque le maintien et l’exacerbation de la peur. Sur le court terme, on a l’impression d’être soulagé en fuyant l’objet de sa peur, mais cela ancre cette dernière plus profondément encore parce qu’on ne trouve pas de moyen de se défendre. En termes Palo Alto, la tentative de régulation d’évitement maintient le problème et l’aggrave.
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Comment dès lors traiter une phobie avec notre approche ?
Et bien à 180° : en évitant… d’éviter ! Il faut remettre le processus en route, dans le but de reprendre confiance en ses capacités à affronter l’objet ou la situation.
Prenons l’exemple d’Isabelle qui a la phobie des serpents. Rien que l’idée du serpent déclenche une peur irrationnelle chez elle avec tous les symptômes liés à une situation de danger vital. Elle évite tout ce qui concerne les serpents, même la moindre image. Sa tentative de régulation est très clairement l’évitement de l’objet de sa peur, sous quelque forme que ce soit. Heureusement, sous nos latitudes, cette phobie n’est pas très handicapante. Mais elle a prévu un voyage dans un pays tropical où elle risque d’être confrontée à ces créatures. Elle vient donc me voir parce qu’elle angoisse à l’idée de ce voyage et qu’elle aimerait pouvoir partir sereinement en vacances.
A 180° de ses TR, l’accompagnement en thérapie brève de cette patiente va consister en un affrontement progressif aux serpents. L’idée est de d’abord faire intervenir son imagination de l’objet phobique (penser à un serpent, le décrire, etc…) et la mettant ensuite face à des images de serpents (par exemple des dessins, ensuite des photos et finalement des vidéos de serpents). L’étape ultime serait de se confronter à la situation réelle, en l’occurrence un serpent vivant dans le cas d’Isabelle. Lors de ce processus, l’hypnose peut permettre un affrontement en douceur. En effet, induire en séance cet état modifié de conscience chez notre patient pour lui permettre d’affronter à son rythme l’objet de sa peur le prépare à la réalisation de ses tâches d’affrontement. Le cerveau ayant enregistré qu’un affrontement de l’objet phobique a déjà eu lieu sous hypnose, les futurs affrontements sont plus aisés grâce à cette expérience émotionnelle correctrice.
Pour une bonne partie de nos patients, ce processus va petit à petit les désensibiliser de l’objet de leur peur. Cependant, comme expliqué plus haut, pour une autre partie de nos patients, la phobie nait d’un traumatisme. Or, le processus d’affrontement les met systématiquement en échec car la présence du déclencheur de leur peur leur fait revivre leur trauma encore et encore. Nous n’obtenons alors pas d’apaisement et pouvons même provoquer une aggravation de la peur. Dans ce cas, traiter l’événement qui a fait trauma afin de l’apaiser permet à la personne d’affronter l’objet de sa peur dans des conditions correctes. Utiliser l’état hypnotique pour retraiter et apaiser le trauma est dans ce cas d’une grande aide pour nos patients phobiques.
En retraçant l’historique de sa phobie avec Isabelle, nous avons identifié un événement qui fut le déclencheur de cette peur irrationnelle. En vacances avec sa famille à Marrakech lorsqu’elle avait 10 ans, elle se souvient qu’un charmeur de serpents lui a mis un serpent autour du cou par surprise. Il voulait prendre une « photo souvenir » qu’il pourrait ensuite leur vendre à bon prix. Elle a été tétanisée avec une impression de mourir sentant le serpent autour de son cou. En état d’hypnose, nous avons pu transformer cette sensation, le serpent autour de son cou devenant les bras protecteurs de son papa. La peur de ce moment-là s’est transformée en sentiment de sécurité. Nous avons pu, suite à ce travail sous hypnose, entamer le processus d’affrontement « classique » tel que décrit ci-dessus afin d’apaiser petit à petit sa peur des serpents.
PHOBIES : L’hypnose au service de l’affrontement par Marie Vanlede
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