La métaphore vient en marchant par Anne-Sophie Kersten

A l’annonce du confinement deuxième saison, j’ai proposé à mes patients de choisir entre remettre leur rendez-vous à plus tard, se voir via Zoom ou faire la séance en se baladant. La majorité a choisi la marche et, jusqu’ici, je n’y trouve que des avantages :

promenade- Progresser sur un chemin, c’est regarder ensemble dans la même direction. Il me semble que cela met certains patients à l’aise de ne pas être en face à face. Pour pleurer, pour se mettre en colère, pour avouer une chose dont ils ont honte. 

- La vitesse de leur pas m’en dit long. Je me calle dessus. Anne-Marie marche au pas de course aujourd’hui, elle est visiblement passée de la tristesse à la colère ! Thierry, toujours énergique, n’avance pas, par contre. A l’entrée du sous-bois, il s’arrête même une longue minute… Il vient de prendre conscience que l’épreuve qu’il traverse au bureau l’atteint bien plus qu’il ne se l’avouait. 

- En marche, je ne sors mon carnet de ma poche que pour noter les mots essentiels du mapping et les tâches. Bel exercice de concision.

- Beaucoup de patients souffrent d’angoisses ou de solitude en ce moment confiné. Le fait de sortir, d’enfiler leurs bottines, de se mettre physiquement en mouvement, de poser les yeux sur les champs, le ciel, les flaques à éviter, est parfois en soi un 180°.

- Le paysage nous offre pléthore de métaphores. Constance se sent « en chantier », comme cette maison devant laquelle on passe. Julie décrit ses conflits familiaux comme de la boue, et nous filerons la métaphore toute la balade (elle voudrait que ce soit plutôt de l’argile, avec laquelle on peut créer). Kathy comprend qu’elle aggrave son mal-être à rejouer sans cesse telle conversation avec son patron: dorénavant, quand la pensée viendra, elle la regardera passer sans s’y accrocher, comme cette feuille qui virevolte pile devant nous avant de se poser sur le sol. Marie ne cesse de penser à ce qui se passerait pour son petit garçon si elle mourait. Sans cesse, elle chasse cette peur, qui revient de plus belle. Je lui demande ce qu’il faut faire quand un fantôme nous poursuit. Tandis qu’elle réfléchit, je m’arrête net. Du coup, elle aussi. Puis lentement je me retourne et je fais mine de dévisager un être invisible. Elle dit : «… regarder le fantôme. » Hélène souffre de manque de confiance en elle. Il n’ose pas dire non, se plie en quatre pour son entourage, s’oublie. Je lui dis : « Comme quand je vous propose de marcher sur la partie sèche du chemin et que vous vous effacez quand même sans cesse pour me laisser passer ? » - « Heu… oui. Je fais ça tout le temps ». La nuit est tombée au milieu de notre balade avec Louis. Il propose de mettre l’option lampe de poche sur son GSM pour éclairer l’ornière dans laquelle on avance. C’est bien utile car il fait très sombre. Il remarque que, comme en ce moment, dans sa vie quotidienne, il prend de plus en plus souvent les choses en main, contrairement à l’époque où il laissait sa mère tout décider à sa place.

Je crois que ces séances marchées, que le fait d’utiliser le corps et le décor, agissent profondément. En tout cas, 100% de mes patients-marcheurs en redemandent. Comme Aristote qui enseignait en marchant, nous voilà des péripatéticiens ! (péripatetikos, en grec, « qui aime se promener »)

Mes conseils pratiques : insistez pour que vos patients s’équipent bien, avec de vraies chaussures de marche; choisissez les chemins les moins fréquentés pour plus d’intimité ; ayez en tête une solution de repli s’il fait vraiment trop mauvais. Un jour, une patiente est venue avec son chien en laisse: ça l’a plutôt déconcentrée… mais ce fut l’occasion d’un recadrage intéressant. 

Belles promenades ! 

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