Et si redonner le choix au patient donnait un petit coup de pouce au changement ? Par Florence Castiaux

Architecture de choix de Dan Short

J’ai eu le plaisir, cette année, de participer à la formation de Dan Short qui a été donnée à Paris sur le sujet de la thérapie suggestive.  Dr Dan Short, docteur en psychologie et conférencier international, est hypnothérapeute et directeur de l’institut Milton Erickson de Phoenix.

Aujourd’hui, j’ai envie de vous partager mes apprentissages sur le sujet et vous donner quelques pistes de « comment intégrer ces éléments dans notre approche systémique » ?

En tant que praticiens de la thérapie brève, nous nous devons d’avoir une attention toute particulière à la vision du monde de notre patient. Cette vision du monde qui nous donne les informations qui nous permettront de comprendre ses valeurs et aussi la logique qui le mène à agir de la façon dont il agit aujourd’hui. Dans notre pratique, nous dessinons également la manière dont la personne agit pour essayer de résoudre son problème et nous mettons en évidence ce qu’il fait et ce qui le maintient dans son problème ou même parfois l’aggrave.

Dans cette démarche, nous cherchons à comprendre sa vision du monde afin de le rejoindre. Et ensuite, nous avons parfois besoin d’assouplir cette vision du monde afin de pouvoir l’amener petit à petit vers un 180°.

C’est un premier lien que je peux mettre en évidence entre ce que Dan Short, nous enseigne et notre pratique de thérapie brève.

Dan Short parle plutôt d’ « état d’esprit ». C’est plus large que l’état émotionnel. Il comprend la motivation, la cognition, des souvenirs, ce à quoi la personne fait attention et l’amène à agir de telle ou telle manière.

Reconnaître l’état d’esprit de la personne permettrait de la rejoindre là où la personne est. Nous nous inspirons de l’approche appelée « Architecture de choix » : « Utilisation du cadrage de l’information et des effets du contexte pour optimiser l’expérience du choix ».

Nous allons redonner le choix au patient au lieu d’essayer de le faire changer. Lui redonner le choix de manière inconsciente pour lui permettre de sortir de son problème.

Les êtres humains qui ont la capacité de passer d’un état d’esprit à l’autre assez facilement en fonction du contexte, n’ont probablement pas besoin de thérapie.

Les états d’esprits nous permettent de nous adapter aux différents environnements. Certains biais cognitifs sont plus adaptés à des environnements plus menaçants et d’autres à des environnements sûrs et pleins de ressources.

Il y a une infinité d’états d’esprits possibles. Certains peuvent être bloquants pour la personnes pour sortir de son problème. C’est ce que nomme plus précisément Dan Short « les biais cognitifs ».

Voici quelques exemples :

Le biais de négativité : La personne a une plus grande réactivité aux informations négatives. Sa motivation est axée sur la prévention des événements négatifs.

Le biais du statu quo : Le changement est ressenti comme une perte. La personne a le besoin de maintenir les conditions existantes, d’éviter les risques et les incertitudes

Le biais de réactance : La personne a un besoin inconscient de lutter pour sa liberté personnelle ou de résister au contrôle. Elle va avoir une envie de contredire ce qui est demandé et résister ou défier les restrictions apparentes.

Le biais de propriété : il se manifeste quand une personne valorise et protège ce qu’elle perçoit comme étant à elle. Elle veut éviter de perdre ce qu’elle possède déjà. La valeur perçue des objets possédés augmente.

La première étape pour nous, va être d’être attentifs aux mots du patients et de pouvoir observer et détecter dans quel biais cognitif le patient pourrait être. Ensuite nous allons devoir tenir compte de ce biais. Nous allons le rejoindre là où il est. Pour finir, nous lui proposerons des choix qui prennent en compte cet état d’esprit.

Laissez-moi vous donner un exemple en faisant un focus sur l’un d’entre eux que je retrouve souvent dans ma pratique :

« Le biais de statu quo »

N’avez-vous jamais rencontré dans votre pratique une personne dont la routine et le confort donne un sentiment de sécurité et dont les changements sont source de stress et d’anxiété ?

Les personnes qui ont un biais cognitif de statu quo auront le besoin de maintenir les conditions existantes et de limiter les risques.

Elle peuvent donc vous demander de l’aide pour changer mais inconsciemment freiner votre accompagnement car elles sont dans ce biais.

Notre rôle ne consistera donc pas à le pousser à réaliser ce changement à tout prix. Car ce que nous risquons de provoquer est un sentiment d’anxiété trop important qui l’empêchera d’avancer. Par contre, si nous le rejoignons dans son état d’esprit, nous pourrons lui donner un petit coup de pouce.

Un patient vient me voir car il souhaite changer de travail. Il a un projet en tête depuis des années pour se lancer comme indépendant. On le questionnant je me rends compte que son état d’esprit correspond à ce biais de statu quo. Il est donc terrifié à l’idée de perdre son statut de salarié actuel. Ce qui le maintient dans un cercle infernal de procrastination et de stress.

Je lui propose alors de garder son statut actuel et de surtout ne rien changer pour l’instant car c’est trop risqué. Mais je lui propose de prendre une demi-heure par jour pour tester des parties de son projet. Après deux mois il me dit avoir bien avancer dans son business plan. Je lui dit alors : « que penserais-tu de garder ton emploi actuel et en même temps de développer ton nouveau business le samedi matin ? » Après un mois il cartonnait, il est donc passé à un mi-temps. Aujourd’hui sa boîte s’est bien développée et il est totalement indépendant.

Pour résumer, avec ce type d’état d’esprit , détectez quelles sont les choses qu’il voudrait garder inchangées. Ensuite, réfléchissez à une manière de dire « oui » à ce comportement mais avec un petit ajout qui perturbe le modèle fondamental.

Un autre concept qui me semble intéressant à vous partager dans cette approche, est la réévaluation émotionnelle.

Dan Short nous rejoint sur le principe que la première étape est d’accueillir l’émotion de notre patient. De pouvoir la reconnaître et la valider. Ce qu’il amène et que je trouve intéressant c’est le fait que pour un même fait ou un même évènement nous pouvons ressentir des émotions différentes.

Une émotion est comme une vague et quand elle est au plus bas elle laisse de la place à une autre émotion. En thérapie, les patients restent parfois figés en haut de cette vague sans avoir la possibilité de redescendre et de passer à une autre émotion.

Avec la réévaluation émotionnelle, on leur redonne le choix de ressentir d’autres émotions qui leur permettraient dans la foulée de pouvoir changer leur comportement.

Exemple : une maman qui retrouve son enfant après l’avoir laissé seul quelques instants. Il a dessiné sur les murs. Elle peut ressentir une montée de colère. Ensuite elle va l’exprimer en se fâchant et en le réprimandant. Son enfant peut réagir différemment en fonction de sa personnalité. Par exemple l’enfant va pleurer. Et ensuite la maman va passer de la colère à la tristesse ou à la compassion. Elle changera alors son comportement en rassurant son enfant ou en le prenant dans ses bras.

Mais certaines personnes n’arrivent pas à redescendre de cette vague et vont rester fermées en haut de cette phase de colère.

Notre intervention sera de l’aider à transiter de cette état de colère vers une autre émotion. Pour redonner du mouvement et permettre à la vague de redescendre.

Vous pouvez commencer à faire l’exercice sur vous-même, et passer par différentes émotions.

Quelque chose qui se passe dans votre journée vous fait ressentir de la colère.

D’abord validez le droit de se sentir en colère ( la réponse originelle automatique), je m’accueille moi-même dans cet état de colère.

Ensuite en restant focaliser sur le même évènement vous pouvez bouger vers une autre émotion, « comment je peux regarder les choses afin de me sentir triste ou dans la peur ou dégouté ou autre émotions négatives ? ». Vous traversez 3 émotions négatives successivement.

Ensuite, comme il était possible de passer d’une émotion négative à une autre émotion négative, cela induit également la possibilité de passer à une émotion positive par rapport au même évènement.

En le testant sur vous-même vous pourrez expérimenter la puissance du processus.

Ensuite je vous invite à le tester avec vos patients.

Ce changement successif au niveau émotionnel va redonner le choix à la personne de sortir de son problème car il a des nouvelles pistes de comportements possibles. Ca va aussi diminuer l’intensité émotionnelle de la première émotion en la diluant sur d’autres émotions.

Afin d’aller plus loin, si cet article vous a plu, je vous glisse quelques livres qui pourront vous inspirer .


Nudge: Connaître les mécanismes de la prise de décision, et inciter sans contraindre de Richard H. Thaler (Auteur), Cass Sunstein (Auteur),

 

Espoir et Résilience - Comprendre les stratégies thérapeutiques de Milton H. Erickson Broché – 15 juillet 2009 de Dan Short (Auteur)

De William James à Milton Erickson - Prendre soin de la conscience humaine Broché – Grand livre, 11 novembre 2021

de Dan Short (Auteur)

Florence Castiaux

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