Arrête de penser et tu mets fin à tes problèmes. Lao Tseu
L’an dernier, lors d’une escale à l’aéroport de Bologne, je me suis baladée à la librairie Feltrinelli, à la recherche de la lettre N, comme Nardone… et j’ai embarqué deux titres de Giorgio que je n’avais pas encore lus.
Installée dans l’avion, je m’aperçois qu’un des deux livres, Ne croyez pas ce que vous pensez, est écrit par Joseph N’Guyen [1]et non par Giorgio Nardone. Ils se côtoyaient naturellement dans le rayonnage.
C’était peut-être un appel à repenser… le traitement des pensées !
En effet, il est très fréquent que les patients me consultent pour cette souffrance à laquelle je ne suis pas vraiment étrangère ( :
Que se passe-t-il dans notre tête lorsque nous pensons?
Rappelons que les pensées ne sont pas des faits, mais notre interprétation des faits. C’est la signification que nous leur attribuons qui en fera un objet de souffrance ou non car les pensées n’ont de l’effet sur nous que si nous les croyons !
En systémique, nous distinguons le fait de penser (ce qu’on appelle « la pensée entrante ») du fait de ressasser nos pensées (« la pensée sortante », c’est-à-dire, dans ce cas, ce qui le plus souvent génère la souffrance).
La pensée en soi (la pensée entrante) n’est pas a priori négative. C’est une énergie mentale avec laquelle nous créons le monde. Par contre, ce que nous faisons de nos pensées (nous juger, critiquer, anticiper des choses pénibles, ressasser le passé… ) peut nous plonger dans des tourbillons émotionnels.
Lorsque l’homme vivait dans la nature sauvage, la pensée l’avertissait d’un danger qui le mettait en attaque, fuite ou figement. Aujourd’hui nous ne vivons plus dans cet environnement : notre esprit pourrait donc rester en paix la plupart du temps. Et pourtant, notre mental s’encombre de pensées autour de notre survie, de notre sécurité, de nos croyances, …
Or la plupart du temps, ce ne sont pas nos pensées qui nous rendent heureux, joyeux, en paix, ... La pensée de la gratitude peut éventuellement confirmer notre joie mais au moment où nous la vivons, nous n’y pensons pas !
A contrario, l’intensité de nos émotions désagréables est directement proportionnelle à la quantité de pensées pénibles que nous générons. J. N’Guyen utilise cette comparaison : les pensées seraient comme la vitesse qui s’affiche au compteur kilométrique. Plus on génère des pensées à la minute, plus notre aiguille monte et arrive dans le rouge avec toutes les émotions négatives qui accompagnent (peur, frustration, stress, rage…).
A l’inverse, moins nous pensons, plus nous dégageons de l’espace pour l’arrivée d’émotions positives qui peuvent alors émerger naturellement.
Quand nous ne pensons pas, il n’y a pas de séparation entre la vie et nous. C’est seulement dans les pensées que nous nous séparons de la source, de nos intuitions, de notre être profond.
Un exemple : la prise de décision. Dans cette situation, on analyse, on crée des listes des pour et contre, on demande des conseils à notre entourage, on génère de l’anxiété et de la frustration jusqu’au moment de prendre la décision, si on finit par la prendre ! Or, la plupart du temps, notre être profond, notre instinct, notre intuition, notre sagesse intérieure savent déjà ce qu’il faut décider et/ou changer. Nous avons tendance à chercher la confirmation de notre intuition dans le monde extérieur, ce qui ouvre la voie à la plupart de nos émotions négatives car la société confirme rarement nos intuitions. Et notre petit juge intérieur parachève l’ouvrage…
Moins souffrir de ses pensées, ce n’est pas arrêter l’arrivée des pensées (qui ne sont pas négatives en soi), c’est traiter autrement le ressassement des pensées. Mais que faire pour canaliser « le fait de penser » ?
Une première tâche que nous proposons souvent consiste à noter tous les jours les pensées qui se présentent sans s’y plonger (comme une branche qu’on empêcherait de se ramifier) puis de les trier en barrant toutes celles qui n’ont pas de réponse et en marquant celles pour lesquelles il en existe une et qui, le plus souvent, débouchent sur une action concrète.
Dans le même esprit, il s’agirait de se donner un moment dans la journée pour accueillir toutes les pensées désagréables et les saluer, sans lutter ni les développer, mais plutôt en ressentant les émotions qui les accompagnent et en cherchant le message que celles-ci nous transmettent. Peut-être ce message nous aidera-t-il à aller vers notre intuition ou vers une action…
On peut aussi suggérer l’exercice de repérer le caractère des pensées : sont-elles dans l’ego, la limite, la lourdeur, la peur, le stress, la restriction, … ou relèvent-elles de l’intuition qu’on va plutôt ressentir comme une joie qui mène à la légèreté, l’expansion, la création, la vie, l’amour, …
On remarquera en général que toute pensée qui nous maintient en état de survie nous fait souffrir.
Une autre piste est d’observer tout ce qui déclenche les pensées anxiogènes ou désagréables et d’en éliminer la cause (appareils connectés, activités, personnes, …) et de voir ce qu’on peut canaliser ou supprimer.
Enfin, créer des moments et des environnements qui calment l’affolement du mental : méditation, sport, relaxation, amitiés, musique…. Ce sont aussi des occasions de faire émerger des pensées créatives et des forces nouvelles qui sortent de notre remue-méninges habituel.
Nous pouvons alors observer toutes les expériences où nous sommes connectés à notre intuition, notre créativité, notre joie intérieure et multiplier ces moments.
Je termine cet article en espérant qu’il ne vous a pas trop pris la tête et vous souhaite de vivre de joyeux moments dans l’intuition !
[1] Joseph N ‘GUYEN, Ne croyez pas ce que vous pensez, Hachette (Le lotus et l’éléphant), 2024